mardi 9 avril 2013

le DRH : un touche à tout qui doit rester pragmatique


Le DRH est un acteur de la vie de l’entreprise. Outre son rôle de partenaire de l’activité, il doit, par sa position, être tout à la fois manager exemplaire de son équipe, le garant du respect de la loi, l’interlocuteur de référence… Il est exposé à un certain nombre de risques. Le "pétage de plomb[1]" n'est pas le moindre. Toutefois, il n'a pas le droit de faiblir, ni de montrer une émotion négative; il doit avoir le sourire et communiquer son énergie aux salariés. Imaginons un instant l'impact d'un DRH quittant le bureau de son patron avec une tête d'enterrement...

Ses sollicitations sont nombreuses. On peut citer les réunions institutionnelles, les réunions de négociations qui sont les exemples les plus évidents; elles ne se déroulent pas toujours mal bien au contraire, mais elles requièrent une attention de tous les instants car la délégation de négociateurs ne passera sur aucun lapsus, ni aucune imprécision. Au-delà de ces rendez-vous réguliers, il y a toutes les rencontres impromptues, les discussions autour d'un café ou au détour d'un couloir; la vie quoi!

Dans tous ces moments, un signe d'agacement sera un aveu de faiblesse. Toutes ses attitudes sont analysées : le look qui doit tout simplement être adapté, le fait d'être rasé ou non pour un homme, le fait d'avoir l'air fatigué... Il faut donc dompter ses sentiments. Pour autant, le comportement et le discours ne doivent pas être ni paraître aseptisés ce qui aurait l'air louche également.

Malgré toutes les précautions que l'on pourra prendre, il est possible de rencontrer l'intolérable. Il peut revêtir un caractère cocasse parfois. Un DRH a récemment porté plainte pour harcèlement moral contre un délégué syndical. Celui-ci, dont la désignation avait été mise en cause par la Société devant le tribunal d'instances sans être annulée, a présenté 9 préavis de grève, posé 700 questions à l'occasion des réunions de délégués du personnel et adressé 200 courriers recommandés à la Direction des Ressources Humaines et tout cela en l'espace d'un an. Il sera intéressant d'attendre le jugement. Dans certains autres cas, c'est moins drôle.

Même dans ces situations, chaque mot du discours doit être maîtrisé, assumé sous peine d'être utilisé par les interlocuteurs. Imaginons un DRH, qui insulterait publiquement un salarié ou lui parlerait de façon dégradante et irrespectueuse. Cela serait inadmissible quelles que soient les provocations qu’il aurait pu subir et cela le suivrait pendant toute sa vie dans l'entreprise et même après. On ne retiendrait pas alors l'attaque ou le contexte de tension mais son absence de maîtrise de soi[2]. Et ça serait logique. Il ne serait pas à sa place; il faudrait qu'il change de métier.

La Direction des Ressources Humaines doit être placée au cœur du système de décision de l’entreprise. Il est inconcevable par exemple de voir des DRH qui n’ont pas encore intégré les Comités de Direction des entreprises. C’est d’un autre temps. L’idée de prendre le pouvoir juste pour le dire serait ridicule mais la Direction des Ressources Humaines intervenant en tant que fonction support dans toutes les activités de l’entreprise, il est naturel qu’elle soit placée au plus haut niveau hiérarchique.

Dans ce sens, les critiques et les voix contraires apparaissent vite, parce que le responsable de la fabrication, le responsable commercial, le DAF… pensent tous que leur matière est la plus importante. C’est bien avec la fabrication, la vente… que l’on fait le chiffre d’affaire de l’entreprise mais la Direction des Ressources Humaines maîtrise une partie des charges.

Pour autant, le DRH ne doit pas être un mercenaire car tout seul il ne fera rien de bon. Il ne doit pas seulement former un binôme soudé avec son patron, il doit être le garde du corps[3] du DG, le relais entre le DG et les autres membres du Comité de Direction qu’entre les membres de cette instance décisionnelle.

Loin d’être le fantasque bon camarade de bureau que tout le monde imagine ou le centralisateur de la flatterie intéressée, le DRH aurait donc des compétences… Une des plus importantes d’entre elles est de savoir compter mais compter quoi et pour quoi faire?

Compter les femmes et les hommes. En effet, il est impératif de savoir combien de salariés on a à disposition, pour identifier les points à améliorer et comment. Les effectifs dont on parle ne peuvent se limiter au nombre de paies effectuées chaque mois car a priori ça, toutes les entreprises peuvent le faire. Il faut savoir compter les ETP[4] présents. Il apparaît également nécessaire d’identifier les ressources externes : intérimaires, stagiaires, personnels extérieurs participent au même titre que les salariés à l'effort collectif.

Avoir la maîtrise parfaite de ses effectifs est le meilleur moyen pour une entreprise de se situer par rapport à ses concurrents, de donner des bonnes directives à ses opérationnels, de maîtriser ses coûts, de mesurer les évolutions et les impacts d'une politique... c'est tout simplement incontournable. La meilleure garantie de la fiabilité de ces informations est qu'elles soient centralisées et c'est bien à la Direction des Ressources Humaines de le faire.

Compter les euros. On pense bien sûr en premier lieu aux rémunérations même si ce n'est pas très équitable de faire peser la seule responsabilité du gros chèque de fin de mois sur le service paie. La marge de manœuvre est immense. Bien sûr, le DRH ne fixe pas lui-même tous les salaires mais par l'application d'une politique salariale lisible et claire, il permet d'éviter les dérives. Il y a une composante sur laquelle il peut jouer énormément concernant les rémunérations, c'est le niveau des charges sociales. Savoir jouer avec les lois (tout en les respectant bien sûr), utiliser les meilleures dispositions, chercher tous les types de subventions existant permet de faire des économies difficilement imaginables.

On ajoutera en option comme compétences dans la catégorie euros : connaître le marché des progiciels, l'offre de formation, savoir acheter une prestation au bon prix, savoir lire un bilan, un compte de résultat, savoir que "trésorerie" n'est pas un mot issu d'un dialogue d'un film de pirates...

Compter les coups. Même si ça ne transparaît pas immédiatement il faut bien reconnaître qu'un certain nombre de domaines n'entrent pas dans les prérogatives de la fonction Ressources Humaines. Dans ces cas (rares il est vrai), la meilleure stratégie est sans doute la mise en retrait et l'observation. Il sera toujours temps de rentrer dans le jeu.

Toute organisation n’est qu’une reproduction plus ou moins fidèle de la Société civile. Dans ce contexte, il n’est pas étonnant que l’entreprise connaisse la problématique de la judiciarisation des rapports. Sans parler d’instance judiciaire ou prud’homale, il n’est pas rare qu’à l’apparition d’un différend, un salarié entre directement en contact avec l’inspection du travail ou les Instances Représentatives du Personnel, voire un avocat. Si les deux premières institutions sont légitimes dans le cas d’un problème entre le salarié et l’entreprise, il peut paraître étonnant de passer directement au stade homme de loi. Le rôle de la Direction des Ressources Humaines est de protéger l’entreprise contre les risques d’aggravation d’un litige.

Cela passe tout d’abord par un bon niveau de dialogue avec les partenaires bien sûr, mais également par la mise en place d’information ou de formation à destination des managers en ce qui concerne leur droit et leur devoir.

 





[1] Burn out
[2] self-control
[3] Bodyguard : il doit prendre les coups à la place de son patron et régler les problèmes avant qu’ils n’émergent.
[4] Equivalents Temps Plein

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