lundi 30 septembre 2013

les syndicats sont-ils nuls?

à l'occasion de la sortie d'un livre "choc" Syndicats. Corruption dérives, trahisons (éditions Firts, Roger Lenglet et Jean-Luc Touly), l'hebdo l'Express a sobrement titré "Pourquoi les Syndicats sont nuls" pour son dernier numéro de septembre. Une telle affirmation mérite un décryptage et sans doute de mettre un point d'interrogation à la fin de la phrase. 

le paysage syndical en France a (très) peu évolué depuis 60 ans. 5 Syndicats de salariés sont représentatifs au plan national (CFDT, CFE-CGC, FO, CGT, CFTC) et des petits nouveaux (SUD et Unssa) s'installent tout en ayant une audience confidentielle. Du côté du patronat, la CGPME et le Medef occupent tout l'espace. La loi de 2008 sur la représentativité des organisations de salariés n'a pas changé la donne; du côté du patronat, on préfère ne pas se poser la question de la représentativité ce qui conduit à des situations où des combats de patrons sont menés en dehors des centrales. Par ailleurs, le taux de syndicalisation continue à diminuer, tournant autour de 8% avec d'énormes disparités selon les secteurs. 

travail du dimanche, réforme de la formation professionnelle (encore une...), sécurisation de l'emploi, réflexions sur le temps de travail, les retraites, la compétitivité des entreprises. Voilà une liste non exhaustive des sujets passionnants qui sont actuellement à l'ordre du jour des travaux des partenaires sociaux. Pour qui aime la fonction RH, le droit social ou encore l'emploi, les intitulés devraient suffire à susciter l'intérêt mais on s'en rend compte, les mobilisations ne fonctionnent plus, les discours ne font plus échos, les actions s'affaiblissent. Le fait que les organigrammes des principaux syndicats (CFDT, CGT, Medef) aient changé récemment n'est pas une cause de la faiblesse des discours mais semble plutôt assimilable à une conséquence. 

une certaine frange de la population dit que les syndicats sont inutiles. J'affirme au contraire qu'ils sont indispensables! Pourvu qu'ils soient bons... 

pourquoi les choses semblent ne pas fonctionner aussi aisément qu'elles devraient? 2 choses viennent immédiatement à l'esprit : argent et pouvoir. Est-il si étonnant de retrouver les mêmes mots (maux) que ceux qui caractérisent le monde politique quand on sait quelles proximités existent? Dire qu'argent et pouvoir posent un problème ne revient pas à parler de corruption, de détournement ou autres exactions. Ils existent peut-être mais le système seul tourne autour de ces 2 mots : plus l'audience d'une centrale est forte, plus elle perçoit de subventions, or l'argent, ce "nerf de la guerre" confère tous les pouvoirs et attise toutes les convoitises. Le pouvoir, c'est aussi siéger dans les conseils d'administration, présider des instances, décider de l'affectation des fonds dans les comités paritaires, avoir la majorité ou le pouvoir de blocage dans une entreprise. Ces bastions où tout le monde veut être existent à tous les étages des organisations nationales : mutuelles, organismes de sécurité social, Urssaf, commissions mixtes de branches professionnelles... ce qui renforce les intérêts locaux et peut créer des dissensions entre les bases locales et les centrales rendant encore plus flou le réel rôle des "camarades". Difficile en effet de comprendre la stratégie du syndicat CFTC dont les représentants signent un accord avec Séphora sur le travail du dimanche et qui, au niveau fédéral attaque le même accord. Pouvoir et argent induisent également indubitablement des stratégies individuelles (individualisme égocentrique ), celle du fameux salarié qui se syndique "pour se protéger" notamment. Elle existe, oui mais pas plus ni moins que celle de cet entrepreneur qui se fait élire dans l'instance locale de son syndicat dans l'espoir d'obtenir des facilités pour son entreprise. 

les fonds publics représentent aujourd'hui la plus grande part des budgets des organisations syndicales ce qui revient rapidement à poser la question de l'indépendance dans le dialogue et rend le système de relations vraiment complexe : les entreprises payent des impôts à l'Etat qui les redistribue aux syndicats qui vont discuter avec les entreprises de l'affectation des fonds qu'elles perçoivent par ailleurs ou qui sont issus de leur activité... 

ce système engendre ce qu'on pourrait appeler un consensus mou... Comment les patrons des entreprises peuvent-ils critiquer ouvertement et durement les syndicats de salariés alors même que ce sont eux qui les financent? Cela ne ferait pas sérieux. 

du côté des syndicats de salariés, est-il raisonnable de se fâcher trop fort et trop durablement contre un système qui assure pérennité et fortune? (ne retrouve-t-on pas ce questionnement dans le milieu politique?).

du côté du gouvernement, le financement des organisations syndicales et le fait que la conséquence d'un dialogue social non performant engendre une maîtrise de l'évolution des lois rendent impossible des prises de position trop radicales et définitives. 

et les salariés ou les patrons des petites entreprises dans tout cela? A quel niveau de réflexion sont-ils pris en considération quand tout est réglé en coulisses plutôt qu'autour de la table des négociations? Le vrai problème est là. Des préoccupations existent mais il y a peu d'interlocuteurs pour les gérer. Elles sont d'une nature différente des grands combats syndicaux "historiques" mais les mettre de côté ou les traiter par-dessus la jambe reviendra à affaiblir encore le dialogue social. Plus grave encore, cela mettra en danger des salariés et donc des entreprises ou des entreprises et donc des salariés. 

non, les syndicats ne sont pas nuls! Ils comptent dans leurs rangs des personnes compétentes et constructives. C'est tout le système qui est à revoir pour que les partenaires sociaux aient un réel poids, de réels intérêts à négocier et représentent vraiment leurs adhérents. 

quelles sont les solutions? Des clarifications dans les comptes des syndicats ont commencé. L'amélioration passe nécessairement par là. Tant que la suspicion d'utilisation ou de provenance douteuse des fonds persistera, le dialogue restera entaché et le "tous pourris" employé pour le monde politique le restera pour le mouvement syndical. Par ailleurs, l'organisation globale du système est-elle efficace? Difficile de penser qu'une même centrale peut intervenir sur tous les fronts, sur tous les métiers avec autant d'efficacité. Sans doute qu'un dialogue social plus "corporatiste" serait plus adapté à certaines discussions. 

pour changer, il faut une intention politique, or, le système est le même depuis des décennies; cela veut-il dire que tout le monde s'en satisfait (état, entreprises, syndicats patronaux et de salariés, électeurs)? J'espère que non. 

2 commentaires:

  1. bonjour,

    merci pour votre commentaire et votre précision. Merci également d'avoir indiqué le nom de votre syndicat.

    je suis pris en flagrant délit et certainement que toutes les situations ne sont pas comparables entre les syndicats et des efforts ont été initiés. Ceci dit, si effort il y eu, vous me concéderez qu'ils étaient souhaitables.

    le documentaire de France 2 cash investigation du mercredi 2 octobre me laisse penser que ce n'est pas fini.

    bonne navigation sur lrhwe

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  2. Bonjour,

    Les syndicats sont ils nuls? Je ne sais pas mais il me paraît que l’on fait tout pour qu’ils soient nuls.
    Ainsi, entre les employeurs qui considèrent les représentants du personnel que comme des machines à acquiescer, ou comme un dangereux individu à court-circuiter celui qui ose dire non.

    Entre des salariés devenu les rois du mécontentement mais attendant que ce soit le voisin qui s’exposent pour défendre ses intérêts, le tout entouré d’individus ne pensant qu’à leur problématique propre et se moquant de l’intérêt général ;

    Entre les élus pensant plus à se faire réélire ou à faire parti des cercles de décision qu’à se battre ; sans parler des ceux qui se sont engagés que pour défendre leurs intérêts (toutes ressemblance avec la catégorie de salariés cité plus haut n’est pas fortuite)

    Entre les petites magouilles entre amis afin de gagner 15 centimes de plus

    Entre un système d’élection favorisant le cumul des mandats et les réélections à vie, accordant moult privilèges au représentant

    Entre et entre on en oubli la poutre trônant dans notre œil de verre et surtout que la pince à épiler se trouver dans nos mains…..


    mais sinon je ne suis pas devenu cinique mais c'est tellement français que de critiquer et ne jamais essayer de faire

    Laurent

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