mercredi 26 juin 2013

"employable" ne figure pas dans le dictionnaire des insultes

il y a des mots comme ça à propos desquels on pourrait se poser la question tant ils font polémique, tant ils suscitent d'agacement, de controverses, d'oppositions dogmatiques. "Flexibilité" en est un bel exemple mais on pourrait citer "productivité", "externalisation" et la liste est longue. "Employabilité" figure en bonne place sur cette liste des notions qui font débat.

Wikipedia recense 2 définitions de l'employabilité

celle du Ministère du Travail français : "la capacité d'évoluer de façon autonome à l'intérieur du marché du travail, de façon à réaliser, de manière durable, par l'emploi, le potentiel qu'on a en soi." La définition continue et on nous dit que l'employabilité dépend des connaissances, des qualifications et des comportements qu'on a, de la façon dont s'en sert et dont on les présente à l'employeur". 

celle de l'OIT : "l'aptitude de chacun à trouver et conserver un emploi, à progresser au travail et à s'adapter au changement tout au long de la vie professionnelle". 

on peut le noter, les deux définitions sont sensiblement convergentes : l'individu est au cœur du système dans lequel il doit savoir évoluer pour pouvoir travailler. 

en rendant de la sorte l'individu responsable, "le politique" fait deux choses : il appuie là où ça fait mal, car oui, c'est bien à chacun de faire en sorte de maintenir son employabilité. Il se met également en dehors du système, en se déchargeant d'une quelconque intervention dans le domaine de l'emploi. C'est une position plutôt confortable que "le politique" de tout bord adore on le comprend. Pourquoi a-t-elle tant de mal à s'imposer alors? 

quand les pouvoirs publics se déchargent de la sorte, c'est bien sur les entreprises et les salariés. Eux, conjointement, détestent la notion d'employabilité mais bien évidemment pas pour les mêmes raisons.

du côté des entreprises

maintenir, développer ou adapter les compétences, on voit bien que cela mène irrémédiablement à la formation. Or, du point de vue de l'entreprise, la formation est trop souvent un centre de coût et une perte de temps. Pourquoi former des individus alors que ni les produits, ni les processus, ni les machines, ne changent et que concrètement, la qualité, la productivité, les marges sont satisfaisantes? On rencontre surtout ces raisonnements dans les milieux industriels (mais pas que) et cela conduit irrémédiablement à des catastrophes car si, les choses évoluent : Moulinex, Arcelor, Goodyear, Virgin... 

il y a une autre raison pour laquelle la notion d'employabilité rend frileux les employeurs : N'y a-t-il pas un risque que le salarié s'en aille faire valoir ses nouvelles compétences ailleurs? ("ailleurs" pouvant désigner une autre entreprise ou un autre service de l'entreprise). Dans ces conditions, l'employeur aura l'impression de se faire voler et la question de la formation entraînera des conflits. On rencontre plutôt ces comportements dans les entreprises du secteur tertiaire ou dans des entreprises à très fortes technicités. 

ces raisonnements sont "court-termistes" et irresponsables mais sont trop fréquemment rencontrés dans les entreprises. 

du côté des salariés

les salariés ne sont pas en reste quand il s'agit de dénigrer la notion d'employabilité. De leur côté, l'employabilité n'engendre pas de question de coût mais plutôt une atteinte à leur amour-propre. En effet, repartons du principe que l'employabilité entraîne formation, mise à niveau des compétences... Une entreprise qui, dans un plan d'actions, proposerait ou suggérerait le maintien ou le développement de l'employabilité entraînerait immédiatement le désengagement des salariés (et la grogne des syndicats) et une augmentation de leur suspicion à l'égard de l'entreprise : "si on m'incite à être employable, c'est qu'on n'a plus de projet pour moi"... Ce type de réflexion, nous les avons entendues, peut-être même penser. C'est absolument aussi absurde et "court-termiste" que pour les employeurs. 

Lorsqu'on sait qu'un salarié entrant aujourd'hui sur le marché du travail connaîtra 5 à 6 entreprises et 2 à 3 périodes de chômage, il est indispensable de redonner à la notion d'employabilité une vraie place dans les pratiques et les pensées. Des initiatives existent bien entendu que cela soit au niveau d'entreprises ou de de groupes d'entreprises avec par exemple l'émergence de pratiques de GPEC territoriale. C'est bien dans ce cadre que "le politique" peut intervenir. L'évolution du marché du travail est irrémédiable, il faut s'y adapter, pas la nier et c'est bien la responsabilité de chacun à son niveau : politique, entreprise et salarié.

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